LA GUERRE
C'EST LA PAIX
L'humanité est une valeur en perte de vitesse dans les univers de la science-fiction. La crainte du totalitarisme politique fait naître dans l'imaginaire et sur grand écran des sociétés aux valeurs effrayantes. Adieu compassion et amour, bonjour haine et violence.
1984 : Winston (John Hurt) vit dans une cité de Londres délabrée, capitale d'un état-continent, l'Océania, perpétuellement en guerre contre l'Eurasia ou l'Estasia. Photo DR.
Les spectateurs attendent patiemment, assis sur leurs chaises. L'écran qui leur fait face s'illumine. Un visage apparaît et les insultes commencent à fuser. Les gens se lèvent, hurlent, jettent leurs chaises contre l'écran. Cela dure deux minutes : on les appelle "les deux minutes de la haine ". 1984 décrit un monde dans lequel l'amour et la solidarité sont de vagues souvenirs, remplacés par la violence et la trahison. Michael Radford ne pouvait pas écarter de l'adaptation cinématographique du livre d'Orwell, ces "deux minutes de la haine ". Un cérémonial quotidien au cours duquel chacun passe ses nerfs sur l'image d'Emmanuel Goldstein, celui qui a trahi Big Brother, ou sur celles des défilés des troupes ennemies.
Cette scène incroyable est le symbole d'une société dont les membres ont perdu toutes traces d'humanité, principalement sous l'effet d'un pouvoir qui prône la négation même de l'individu et du libre-arbitre. De 1984 à THX 1138, en passant par Brazil : on assiste à une "instrumentalisation " des personnes, reconnues non pas comme des individus, mais comme des fonctions. Courage et abnégation : les citoyens deviennent les rouages, indispensables et non irremplaçables, d'un système étatique dont la finalité leur échappe, mais qu'ils ne sont ni capables, ni toujours désireux de comprendre. Même les héros de ces trois films subissent plus les événements qu'ils ne les provoquent; alors que la fin tragique de Sam Lowry (Jonathan Pryce) dans Brazil relève plus du malheureux concours de circonstances que d'une contestation virulente du système.
1984 : -Comment un homme s'assure-t-il de son pouvoir sur un autre, Winston ?
-En le faisant souffrir, répondit-il.
-Exactement. En le faisant souffrir. L'obéissance ne suffit pas. Comment, s'il ne souffre pas, peut-on être certain qu'il obéit, non à sa volonté, mais à la votre ? Le pouvoir est d'infliger des souffrances et des humiliations. Le pouvoir est de déchirer l'esprit humain en morceaux que l'on rassemble ensuite sous de nouvelles formes que l'on a choisies. Dialogue entre O'Brien et Winston. Extrait du livre de George Orwell. Photo DR.

THX 1138 : Tous les individus sont identiques et mènent une vie de rats de laboratoire. Dans leur détresse, ils se confessent dans des cabines qui résonnent toujours des mêmes phrases, enregistrées sur un ton comparable à celui d'une hôtesse de l'air : "Soyons contents d'avoir une tâche à remplir. Travaille dur, accroîs la production. Veille à la prévention des accidents. Et sois heureux ". Parfois agrémentées d'un : "Achète davantage. Achète encore plus. Achète et sois heureux ". Photo DR. Ecoutez le discours type en VO.
L'uniformité effrayante de la population de THX 1138 ou des travailleurs de Metropolis témoigne du fatalisme et de la passivité d'individus qui n'ont pas d'autres choix que de s'en remettre corps et âmes au pouvoir et à toutes ses représentations. L'état règle la vie de chacun, rarement pour le meilleur, toujours pour le pire. La bureaucratie extrêmement procédurière de Brazil représente le danger qui guette alors les Hommes : celui de ne plus pouvoir prendre de décisions, parce qu'il n'en ont plus la possibilité, ni la capacité.
Langues de bois
La propagande s'affiche

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