LA LIBERTE
C'EST L'ESCLAVAGE
L'humanité est une valeur en perte de vitesse dans les univers de la science-fiction. La crainte du totalitarisme politique fait naître dans l'imaginaire et sur grand écran des sociétés aux valeurs effrayantes. Adieu compassion et amour, bonjour haine et violence.
Dominique Momiron décrit dans son analyse de Brazil cette société administrée à outrance : "Nul ne peut rien décider de sa propre initiative. Il faut d'abord s'inscrire dans une démarche obéissant à une logique administrative où le règlement prévoit toute une série d'étapes bien définies, rythmées par l'obtention du formulaire
tamponné qui donnera accès au service qui fournira un autre formulaire qu'il faudra aller faire tamponner à un autre service qui renverra à... L'absurde de la logique formaliste poussée à outrance. L'individu n'existe pas en tant qu'être responsable. Il n'est qu'un élément basique dans la mécanique d'une machine qui semble tourner sans que personne ne la dirige "
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Brazil : Jill (Kim Greist) vient se plaindre à l'administration de l'arrestation arbitraire de son voisin Buttle. L'occasion d'écouter un dialogue savoureux qui résume parfaitement les lourdeurs d'une bureaucratie envahie par la paperasse. Photo tirée du DVD.
Brazil : Au restaurant, il y a rapidement de l'eau dans le gaz entre Sam (Jonathan Pryce) et le maître d'hôtel Spiro (Bryan Pringle). Photo tirée du DVD.

De nombreuses situations illustrent dans le film cette constatation. Un exemple : les plats servis dans les restaurants sont désignés par des numéros. Lorsque Sam a le malheur d'appeler un steak par son nom, il se heurte à un maître d'hôtel incapable de prendre sa commande tant qu'il ne lui aura pas donné le numéro correspondant à son steak. A l'image de ce serveur, les citoyens de la société brazilienne sont incapables de prendre la moindre décision, dès qu'ils sortent de l'assistanat instauré par les procédures et autres règlements.

Il faut dire que dans le monde décrit par Terry Gilliam, la vie d'un Homme ne tient qu'à un formulaire. L'intervention ultra-violente et destructrice de la police chez Buttle, suivie de celle d'un huissier informant, de manière incompréhensible, l'accusé de ses droits, en est le reflet. Buttle est arrêté par erreur à cause d'un cafard tombé dans une imprimante, mais enfermé dans une espèce de sac, il ne peut ni parler, ni bouger, ni se défendre et se contente d'écouter l'huissier déballer sa litanie. C'est à son épouse qu'il convient donc de signer les différents formulaires, alors que l'on emmène son mari… Cet enchaînement ne relève pas du concours de circonstances mais d'une bureaucratie qui confine à l'absurde, en faisant notamment passer la signature d'un papier avant la présomption d'innocence. La violence se trouve alors justifiée et surtout banalisée par une administration dont les employés ont perdu le sens des réalités.
Brazil : L'arrestation de Buttle se fait dans les régles de l'art. Un seul problème : ce n'est pas Buttle qu'il faut arrêter mais Tuttle. Impossible pour notre malheureux Buttle de s'expliquer. Une fois la machine administrative lancée, rien ne peut l'arrêter car, c'est bien connu, celle-ci ne se trompe jamais. Photos tirées du DVD.

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