L'IGNORANCE
C'EST LA FORCE
L'humanité est une valeur en perte de vitesse dans les univers de la science-fiction. La crainte du totalitarisme politique fait naître dans l'imaginaire et sur grand écran des sociétés aux valeurs effrayantes. Adieu compassion et amour, bonjour haine et violence.
1984 : Winston (John Hurt) et Julia (Suzanna Hamilton) loueront une chambre dans le quartier des prolétaires pour faire l'amour. Mais l'aimable vieillard qui en est le propriétaire appartient en réalité à la police de la pensée. Photo DR.
La société brazilienne, tout comme celle décrite dans 1984, est incapable de la moindre compassion. Elle repose sur un système dont les valeurs font froid dans le dos et témoignent d'un mépris évident pour Autrui. L'état apparaît comme le premier dont les préoccupations sont en totale rupture avec la réalité. Le ministère de l'information de Brazil s'intéresse plus au paiement des frais de justice par les criminels, qu'aux causes ou conséquences d'une arrestation.
Lorsque l'on découvre que Buttle a été tué par erreur, Sam (Jonathan Pryce) se rend chez sa veuve, non pas pour lui offrir de quelconques "excuses " ou explications, mais pour lui remettre un chèque de remboursement correspondant au coût de l'arrestation de son époux. Alors que celle-ci ne sait même pas si son mari est encore en vie, l'erreur à réparer en priorité est un chèque abusivement encaissé et non le meurtre d'un homme (on retrouve par ailleurs la même idée de la justice dans THX 1138 : le coût d'une arrestation est évalué en temps réel alors que les policiers sont encore à la poursuite du fuyard. Dès que celui-ci dépasse un certain plafond, les recherches s'arrêtent). Mais le pouvoir, représentation abstraite s'il en est, n'est pas seul responsable.
Brazil : Cette secrétaire du bureau de recoupement tape avec un air détaché, un sourire sur les lèvres, un compte-rendu d'interrogatoires. Des cris sortent du casque qu'elle a sur les oreilles alors que Sam lira sur un feuillet : " Oh mon dieu. Stop. Arrêtez s'il vous plaît ". Photo tirée du DVD.

Brazil : "L'innocence de l'enfance" balayée par la violence mais aussi par la société de consommation. Devinez ce que cette petite fille demande au père Noël. Photo tirée du DVD.
Dans Brazil, un attentat ravage une partie d'un restaurant. L'orchestre continue de jouer pendant qu'on évacue les blessés et un paravent est installé prés des tables intactes, pour que les clients sains et saufs continuent de manger sans être importunés par les cris des victimes. Le maître d'hôtel essuie quant à lui les plaintes des clients qui trouvent scandaleux de voir un tel spectacle dans un établissement de cette classe…Lorsque Sam est arrêté à la fin de Brazil, il est mis dans une sorte de sac, accroché à un rail et passe de bureaux en bureaux pour régler les frais de son incarcération et souscrire éventuellement à un emprunt. Peu avant de mourir, un policier aura pour lui ces mots édifiants : " Y a rien à faire fiston. Avoues vite. Si tu leur tiens tête trop longtemps, ça va te faire des agios en plus… ". Les enfants ne sont pas mieux lotis. Ceux de Brazil reproduisent dans leurs jeux les arrestations musclées des adultes, avant de brûler des voitures. Ceux de 1984 dénoncent leurs parents à Big Brother. Charmant.
Souriez, vous êtes filmés
Vie rêvée pour cauchemar éveillé

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